Les limites

Je voudrais partager avec vous une petite expérience intéressante qui m'est arrivée aujourd'hui.

Quand on fait des activités intenses ou inhabituelles pour nous, on est amené à se heurter à ses propres limites, qui ne sont d'ailleurs pas figées dans le temps. C'est notamment ce qui m'est arrivé l'an dernier pendant l'expédition en Patagonie quand ma tente a été ensevelie par la neige: j'ai rencontré une limite physique (tendinite à case du pelletage intense) et aussi psychologique (je ne m'étais pas préparé suffisamment à ce "rocher de Sisyphe").

Durant l'hiver, pour augmenter ma résistance au froid, je vais au travail à vélo peu couvert. Ça me permet en outre d'apprendre à mieux reconnaître et gérer les signes avant-coureurs d'un refroidissement, à la fois général et des extrémités. Je porte un t-shirt ainsi qu'un cycliste court lorsqu'il fait plus de 5°C, et une veste Gore-Tex si la température est inférieure ou en cas de pluie. Ni gants, ni chaussures sauf s'il gèle fort: je suis donc généralement mains nues et pieds nus (tongs). Et je pédale fort pour me réchauffer.

Ce matin, il faisait -1°C environ dans Toulouse et j'ai commencé à vraiment perdre la sensation dans les doigts vers la fin du trajet, notamment car il y a une descente: moins d'effort physique donc moins de chaleur dégagée, plus de ressenti de froid car plus de vent dû à la vitesse. En arrivant au boulot, à l'arrêt, abrité le long d'un hangar, ça a commencé à se réchauffer brutalement: ça faisait longtemps que je n'avais pas eu de l'onglée qui faisait aussi mal. Je vous laisse imaginer une fois à l'intérieur, et encore plus dans le local des douches bien chauffé: j'ai failli verser ma petite larme !

La douleur est due aux vaisseaux sanguins des doigts qui se sont rétrécis à cause du froid pour prévenir un refroidissement général du corps, et qui reçoivent d'un coup un afflux de sang chaud sous pression lorsqu'ils se "réouvrent" progressivement.

Le plus intéressant est que sous l'effet de la douleur, et sans doute d'une dilatation générale de mon système sanguin une fois à la chaleur, j'ai senti que ça n'allait pas bien (hyperventilation, transpiration, soif intense, sensation de sang froid qui revient vers le système central). Bon, je me suis assis, je ne tenais pas à m'ouvrir le crâne. Mais il m'a fallu patienter avant de pouvoir me relever, et ça n'a été concluant qu'à la troisième reprise, et lentement. Ceci dit une fois que ça allait mieux, la douche froide s'est très bien passée. Moralité: ce matin, j'ai atteint une limite certaine. La prochaine fois je retournerai plus progressivement à la chaleur...