Gardien de phare d'un jour...et autres actualités

Vendredi 8 novembre. Je sors du boulot pas tard et me hâte de pédaler, sous la pluie, pour attraper mon train et rentrer à la maison. J'ai prévu de faire la route jusqu'à La Rochelle ce soir, les bagages sont déjà dans le fourgon ou prêts à être chargés, les enfants rentrés de l'école.

Une douche pour tous le monde, et hop!, c'est parti. La météo permettra d'accéder au phare mais je sais qu'ensuite ça va empirer: c'est exactement ce que je recherche ! Le départ de Toulouse se fait de nouveau sous la pluie, ainsi qu'une partie de la route, puis le temps s'éclaircit et quatre heures plus tard nous arrivons à La Rochelle pour nous installer sur le port des Minimes sous un beau clair de lune.

Le temps de mettre le couchage en place (2 au niveau des vitres, 1 au "sous-sol", c'est-à-dire sur le plancher) et dodo: demain je dois être prêt à embarquer pour 12h, en ayant préparé de la nourriture pour les enfants qui vont m'attendre au fourgon et en ville.

Je m'éveille comme une fleur vers 8h30 bien tassée: les enfants dorment encore lourdement, en ados qu'ils sont. Je commence à me préparer, puis à préparer ce qu'il faut pour le petit-déjeuner pendant que les enfants se réveillent: on mange au frais mais au soleil.

Je me rends compte que j'ai reçu un message me demandant d'être là à 11h à la Capitainerie, car la météo se gâtera plus tôt que prévu. Vite je dois me dépêcher.

Une fois là-bas, avec quelques minutes d'avance, un fourgon jaune se garer et une femme sort et m'interpelle: Alexandre? Oui c'est moi, il s'agit donc de Claire, accompagnée de Yul. On fait connaissance, on se prépare: j'ai pris des bottes, ce ne sera pas superflu visiblement. ainsi que la salopette ciré que j'enfile par-dessus mes vêtements. Erreur...

Nous voilà partis, après confirmation que,j'ai bien laissé mon téléphone portable: le but est d'être isolé. C'est beau, je suis aux anges. Dès qu'on commence à sortir du port la mer se fait plus dure, d'autant qu'en Zodiac ça bouge plus facilement qu'avec un bateau classique. Je prends quelques vagues dans la poire: même pas mal, j'ai la veste Gore-Tex et la salopette. Sauf que dans le speed du départ je n'ai pas pensé à enlever la Gore-Tex pour l'enfiler par-dessus la salopette. Claire me demande: ce n'est pas rentré? Je crois que non.

Nous arrivons en vu du phare, qui est relativement proche de la côte: le haut-fond sur lequel il est situé est le prolongement de la pointe des Minimes.

Claire débarque en premier pendant que Yul manoeuvre le Zodiac. Avec les vagues ce n'est pas évident de lui éviter de frotter les coquillages des poteaux: on s'éloigne dès qu'on peut. Mes affaires montent, les affaires de ma prédecesseuse descendent, elle les suivant de près, puis je monte.

Claire me fait le tour du propriétaire de mon nouveau palace et me montre comment fonctionne réchaud, courant, etc...

Ensuite, elle redescend en me souhaitant d'en profiter.

Quelques photos, un dernier coucou et le zodiac n'est bientôt plus qu'un point sur l'horizon.

Je fais provision d'eau de mer pour les divers lavages ou rinçage qui ne nécessite pas d'eau douce: il faut économiser les réserves du phare au maximum. Je constate aussi, après avoir enlevé la salopette, que l'eau est bien rentrée: j'ai le cul trempé. J'enlève donc mon pantalon pour le mettre à sécher sur la rambarde, en l'attachant car le vent est déjà fort, heureusement sans pluie. C'est donc un gardien en calebute qui démarre sa garde...

Je m'installe après avoir déballé mes affaires, puis mange mon sandwich suivi d'un bon café. J'observe la mer puis me mets au travail: le but est de fournir un ressenti de cette expérience, sous quelque forme que ce soit. Je décide d'écrire une nouvelle.

Il ne fait pas chaud à rester immobile, je me couvre bien. Claire m'a conseillé de jouer du balai si j'ai trop fois "ça réchauffe et en plus ça rend service à la collectivité". Dehors, le temps se gâte vraiment: je ne vois plus la côte, et je sens parfois le phare bouger quand des vagues plus puissantes viennent frapper les poteaux. Je suis en Patagonie: c'est très inspirant pour écrire ma nouvelle. Je suis là-bas, au Bout du Monde, vrai gardien de phare sur l'île des Etats.

L'après-midi passe très vite, et 4000 mots plus tard, c'est l'heure de manger. Je jette un oeil dehors, c'est plus calme, et ensoleillé. Le temps de me détendre puis de mettre l'eau à chauffer pour la soupe de nouilles chinoises, la nuit tombe et la lune brille sur une mer d'huile. C'est magnifique.

Après avoir lu le bouquin de Yul qui relate l'intégralité de son aventure, depuis sa découverte de l'île des Etats sur laquelle, parti une journée, il s'est égaré pendant 5 jours, jusqu'à la reconstruction du phare identique à l'original, puis la réplique de la Rochelle, je file au lit, ayant un peu froid. Quelle aventure et quel homme !

Je passe une bonne nuit, bercé par le bruit des vagues audibles à travers les interstices du plancher. Puis je m'éveille juste pour le lever du soleil.

Après le petit-déjeuner, je bulle en regardant les voiliers quitter peu à peu le port pour profiter du beau temps et de la brise. Deux véliplanchistes, visiblement des compétiteurs en plein entraînement, viennent tourner pas loin: ils filent sacrément ! Un bateau estampillé SNCF, équipé de 2 rameurs, passe lentement au loin: visiblement ils vont faire une longue traversée. Mais aujourd'hui c'est journée vidéos. La matinée passe vite et je dois quitter le phare, la tête bien remplie de ces 24h hors du temps et de l'espace...